samedi 26 août 2017

Trieste/Venise



Je t’écris depuis Saint-Aygulf où je suis rentré depuis 5 jours après une escapade à Trieste et sur la côte Slovène Adriatique. Je pense que tu aimerais cette région, c’est très beau, de grandes falaises blanches qui tombent dans la mer avec des palais Austro-Hongrois au faste oublié, des villages vénitiens rayonnants, une campagne méditerranéenne identique à la Provence. On y trouve même des truffes ! Trieste est vraiment une capitale de nulle part, péninsule coincée au bout de l’Italie qui se la dispute au monde slave, avec cette douceur de vivre latine, un peu de la rigidité autrichienne « K und K » dénoncée par Musil et des cafés viennois qui ont tendu les bras à des générations d’écrivains comme Joyce, D'Annunzio, Svevo. Il y a aussi dans cet ancien port impérial de l’Autriche, un parfum de doux déclin, de grandeur évanouie, mais suave, qui n’empêche pas les habitants de profiter d’une assiette de poulpe ou de café Illy, maison de Trieste, au pied de ces palais désormais silencieux et de ces grues rouillées qui n’accueillent plus les steamboats chargés d’aristocrates galonnés. 



Je suis revenu aussi à Venise sur le chemin, un avion décalé d’une journée m’a permis de présenter mes respects à Stravinski sur l’ile funèbre de San Michele, digne de la Toteninsel de Böcklin, avec ses cyprès majestueux et sa silhouette sévère. J’ai aussi vu Diaghilev des Ballets Russes et sa tombe couverte de Repetto roses. La Biennale d’Art Moderne est assez bonne cette année. Evidemment, les pavillons des grands pays sont souvent paresseux (celui de l’Allemagne était vide - concept ? -  la France accueillait une sorte de disciple de Stockhausen qui trafiquait des synthés, la Grande Bretagne, encore pire que quand nous y étions ensemble, une série d’encombrants en polystyrène mal laqués), mais la Russie a fait un effort avec un artiste contestataire qui dénonçait l’oppression numérique, la manipulation par les lobbies et la destruction de Palmyre. On y trouvait des bébés avec des ceintures explosives et des masses manipulées par le Grand Capital, des nuages avec des rouages mais aussi par un aigle mécanique réminiscent du tsarisme sous le « monitoring » des drones, dans un mélange plutôt réjouissant d’agit-prop soviétique et de révolte à la Snowden. Seule concession au contrôle qualité du Kremlin : les canons portaient une mention « Made in USA ». Et l’oppression numérique vient forcément de Californie… #MondeDiplomatique. Une mention spéciale au pavillon tchèque avec les cygnes en plastique disposés devant un écran figurant la mer, au grand arc en ciel de pin’s soviétiques du pavillon hongrois, mais aussi aux livres comme art, les livres vénérés, empilés, explosés, protéiformes en tout cas, chez les Japonais et les Suédois.


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