samedi 29 octobre 2011




Le héros du jour : Alexandre le Grand

Après la primaire socialiste, les esprits éclairés se tournent vers des héros comme François Hollande, ou Alexandre le Grand, car le Louvre s'est servi de son nom pour promouvoir une belle exposition sur la Macédoine antique, certes réussie, mais sans grand rapport avec le grand conquérant, à part un plan d'Asie rempli de flèches tordues et quelques bustes anguleux sortis des tiroirs.

J'ajoute que si j'avais un pavillon en proche banlieue, je choisirais un buste d'Alexandre en plâtre plutôt qu'un nain de jardin. Je vous dis ça parce qu'il parce que dans ma région, la Champagne, certains vignerons d’extrême droite sont tellement riches qu'ils ont des nains de jardin plaqués or, ou alors en porcelaine de Limoges (mais cela n'a aucun rapport). Sachez d'ailleurs que grâce à Or Postal, vous pouvez en toute discrétion vendre votre nain de jardin doré au meilleur prix, sans sortir de chez vous.

Bon je me lance sur le sujet en toute modestie, et surtout, de manière ouvertement non-scientifique ! Amusez vous bien avec les liens hypertexte car cet article est rempli de conneries selon le principe de l'Edutainment®.

Alexandre est le plus grand conquérant de notre histoire, invaincu durant sa courte vie (33 ans). Le premier à souffrir la comparaison, c'est Jules César, immortalisé par Astérix et Plutarque qui brosse sa biographie avec celle d'Alexandre (Vies parallèles). On raconte que Julius s'était mis à pleurer devant une statue d'Alexandre, parce qu'au même âge son modèle avait déjà soumis l'Univers tout entier (selon la vision de géographique de l'époque, sans GPS). On connaît la suite... Il est probable aussi que Nicolas Sarkozy, en se rasant le matin, se soit coupé en pensant au Général de Gaulle.

Nos contemporains ont voulu ressembler à Alexandre. Toutefois, Napoléon et Hitler ont assez mal terminé, parce qu'ils ont eu la mauvaise idée d'envahir des pays froids. Alexandre est parti sous le soleil du Moyen Orient, et il s'y sentait si bien qu'il a créé une Alexandrie tous les 200km ! Alexandrie d'Egypte était cette ville destinée à accueillir un phare, une grande bibliothèque, et Claude François.

Alex était un champion de rodéo : encore adolescent, il a soumis le rebelle Bucéphale, son mythique cheval, sous les yeux ébahis de son père Philippe II, qu'il ne tardera pas, d'après les rumeurs, à faire assassiner. C'était un fin lettré, formé par Aristote en personne, ce qui ne l'a pas empêché d'adorer les incendies et les massacres. Il avait un talent spécifique pour trancher les problèmes, comme le fameux nœud gordien, directement avec une épée, ce qui revient à se présenter aux oraux de l'ENA ou au Pôle Emploi avec une grosse hache.

Alex a hérité de son père Philippe II un royaume macédonien dominant la Grèce depuis la bataille de Chéronée (-338), rassemblant toutes les cités grecques, sauf Sparte contre les Perses dans la« Ligue de Corinthe ». Il ne restait plus qu'à faire l'essentiel : conquérir l'Asie. Donc, entre -334 et -324, une série de victoires fulgurantes qui frappe l'esprit de notre génération abrutie par les réseaux sociaux. Leur énumération excède mes capacités de synthèse : on peut toutefois retenir d'abord le siège d'Halicarnasse, la ville de Mausole, avant qu'elle ne devienne Bodrum, cette station balnéaire infestée de russes bedonnants. Tyr au Liban, qu'il incendie. Il écrase une première fois l'armée du roi des perses Darius III, l'illustre prédécesseur de Mahmoud Ahmadinejad, à la bataille d'Issos, ce qui a donné lieu à une célèbre mosaïque trouvée à Pompéi.

Puis toujours des victoires, des victoires, en Égypte où il se fait couronner comme Pharaon, à Gaugameles, ou il écrase définitivement le pauvre Darius, qui avait perdu ses bagages. (joli tableau de Bruegel l'Ancien). Alexandre a été relativement cool avec la famille de Darius qu'il ne massacra pas. Ensuite, une entrée bling-bling dans la Babylone par ailleurs chantée par Boney M. Puis Suse, Persépolis qu'il incendie un peu comme la RAF à Dresde. Mais rassurez vous, il en reste des gros bouts au Louvre car contrairement à ces salauds d'anglais qui ont tout pillé pour le mettre au British Museum, nous en France, nous mettons les œuvres à l'abri.

Et ensuite pour finir la fresque, c'est une série de trahisons réprimées, de passages de hautes montagnes, de découragements dans le désert, de soulèvements et de pillages. Alexandre entre temps a commencé à se prendre pour un Dieu, demande à ses sujets macédoniens de se prosterner, et nomme des Asiatiques à des postes clés, ce agace tout le monde profondément (un peu comme si on osait élire comme député un Français d'origine immigrée, quel scandale! Ou faire rentrer un ministre socialiste au gouvernement).

Il poursuit sa chevauchée fantastique jusqu'en Inde, dans la vallée de l'Indus (qu'il avait confondu un temps avec le Nil), il rentre mourir à Babylone. Ses anciens généraux n'auront plus qu'à se déchirer pendant des guerres intestines de succession jusqu'en -281, c'est affreux. mais je vous en prie, ne m'obligez pas à approfondir ce discours de salon. Hmm, c'est si bon d'étaler sa culture devant un lecteur qui souffre de maux de tête... Rassure toi cher lecteur, moi aussi !

Notre égo occidental donne à Alex un rôle plus grand que son œuvre : son empire s'est disloqué rapidement, entre ses compagnons généraux (diadoques) devenus empereurs, mais il a hellénisé durablement l'Orient en l'envahissant. Une tentative de fusion des cultures assez étonnante. Alex a montré l'exemple par son mariage avec la perse Roxane (qui n'était pas une fille de joie comme celle du groupe Police). Par exemple, l'Egypte des Ptolémées sera un royaume hellénistique jusqu'à Cléopâtre et la bataille navale d'Actium (-31). Au Moyen Orient, les élites se sont mises au grec, biens, hommes et idées circulaient librement de la Mediterranée à l'Asie Centrale ; plus facilement qu'aujourd'hui entre Israel et Palestine, Irak et Iran, Chypre du Nord et du Sud ! Il faut dire qu'à cette époque, la Méditerranée était un pôle d'échanges, et non pas une frontière (vous aimez ces sucreries globish à la We Are the World?)

La Turquie n'était pas encore méprisée par des européens amnésiques, c'était l'Europe, avec des cités grecques prestigieuses comme Ephèse, Milet (l'ancêtre de la ville américaine avec ses blocks), Pergame, sa grande bibliothèque qui a inventé le parchemin, et son bel autel délicatement démonté par les Allemands fin XIXème pour le mettre à Berlin. Cet autel de Pergame, est le sommet de la sculpture hellénistique, si animée, baroque, violente. Les sculptures de Rude sur l'Arc de Triomphe s'en inspirent directement. La sensualité et la vitalité caractéristiques de cette époque sont frappantes si on compare la froideur un peu immobile des fresques du Parthenon, et le flamboyant panache de la Victoire de Samothrace. Et pour les hommes qui aiment les hommes, voici le fin du fin : l'appétissant « Faune Barberini » ! Grrr. A ce stade du discours, il faut aussi préciser que dès son arrivée en Asie, Alexandre et son compagnon Héphaisteion déposent une couronne sur les tombeaux respectifs d'Achille et Patrocle, ce qui est à la fois une manière de s'attribuer une parenté avec des héros mythiques (Alexandre prétendait également être un descendant d’Héraclès, fils de Zeus), et une claire allusion à la pédérastie des deux compagnons d'armes.

Pour finir sur le rayon "un bouquin d'Homère dans une main et une pelleteuse dans l'autre", Troie, au sud de Constantinople, avant d'être un film médiocre avec un Brad Pitt sous stéroïdes, a aussi été copieusement vidée par l' Allemand Schliemann mais pas de chance, les Soviétiques on tout piqué en 1945 avec la moitié de la Prusse orientale. Hmm, cette belle époque où archéologie rimait avec pillage, civilisation avec colonisation, mariage avec bordel, féminité avec incapacité !

L'exposition actuelle au Louvre montre quelques objets admirables issus de Macédoine, des vases très sobres, d'admirables couronnes dorées, le fameux masque de bronze avec un visage d'or et quelques pierres de sa capitale antique, Pella, dont les ruines sont malheureusement très abîmées. Quelques mosaïques admirables, dont celle de Dionysos, sont exposées au musée archéologique de Thessalonique ; vous pouvez y aller pour 20€ avec Ryanair, si vous êtes chômeur et que vous aimez les Beauvais-Bergame avec 10h de correspondance au milieu des Roms.

On est souvent déçu par les grands conquérants. Alex est mort semble-i-il après une immense série de débauches. César, le pauvre, a été lourdement poignardé dans un coin du Sénat parce qu'il a eu le malheur d'être trop ambitieux, comme un jeune loup dans une sous-préfecture. Pour me mettre dans l'ambiance « conquérant » malgré ma robe de chambre et les pantoufles jetables piquées dans un hôtel, j'écoute en ce moment la 3ème Symphonie « Eroique » : or Napoléon a tellement déçu Beethoven qu'il en a déchiré son manuscrit, dédié à l'Empereur. Eh oui, malgré le Code Civil et les jolis meubles Empire, notre grand Corse était aussi un cruel autocrate. Hitler, lui, était vraiment très méchant. Son nom est tellement moche que seuls les Républicains de la Tea Party peuvent l'utiliser contre Barack Obama. Il est difficile de rire avec lui ; il partage sa délicatesse de peintre avec celle de Staline, le géorgien débonnaire, ancien séminariste.

Enfin, sachez que notre héros conquérant est toujours au cœur de vifs débats. La petite Macédoine, ce morceau de Yougoslavie indépendant, porte dans toutes les organisations internationales le nom de FYROM (Former Yougoslav Republic of Macedonia), car les Grecs ne veulent pas donner à ces foutus balkaniques tout cet héritage. Ils exigent un mot supplémentaire comme « Northern ». Du coup pour se venger les « Macédoniens », qui sont des sacrées têtes de cons, ont nommé l'Aéroport de Skopje « Alexander the Great », et inauguré une immense statue équestre d'Alexandre en plein centre ville !

Vous remarquerez que j'ai finalement peu écrit sur la vie d'Alexandre, ce qui rend cet article terriblement snob. Vous en saurez plus en lisant Plutarque ou en téléchargeant illégalement le peplum tout à fait acceptable d'Oliver Stone sur notre ami Macédonien. Colin Farrell n'est pas un si mauvais acteur, et tous ces films comportent des scènes de massacre sur les champs de bataille tout à fait jubilatoires. Avec un soupçon de nostalgie pour cette époque où la violence était quotidienne, l'esclavage généralisé, et les femmes, des objets !