mercredi 13 septembre 2017

Thème et variations (1)

Dans cette période d’otium forcé, j’ai du temps pour réfuter cette citation attribuée (à tort ?) à André Malraux : « trop de variations tuent les variations ». Vous le savez, je e suis pas musicien ni musicologue, j’ai arrêté le piano à 10 ans à la faveur d’une fracture du poignet et d’un brin de complaisance, mais je suis un mélomane sans mesure et un fanatique du piano dans tous ses états, de Bach à Petrucciani. Je vénère bien sûr le grand Liszt, cette rock star du XIXème, ce héros qui a poussé la grande armoire de métal et d’ivoire dans ses derniers retranchements techniques et poétiques. Un compositeur et un transcripteur de génie, qui n’a pas hésité à emprunter à ses contemporains leurs plus belles mélodies, opéras, symphonies, lieder, pour promouvoir la musique des autres et enrichir le répertoire de son instrument – échange de bons procédés, sincère de sa part, même s’il construisait ainsi sa propre gloire, et un sacré « mojo » auprès des femmes qui s’arrachaient son corps !

Les variations sur un thème original peuvent susciter l’ennui quand elles sont médiocres. Si on y ajoute la puissance de l’esprit en liberté, elles deviennent parfois des chefs d’œuvre, peu importe la pauvreté ou la simplicité du matériau initial : pensez par exemple au 24ème caprice de Paganini, assez trivial, qui sous les doigts de Rachmaninov, Brahms, Liszt, ou Lutoslawski, est devenu tour à tour concerto pour piano exubérant et sentimental, étude de virtuosité étincelante ou une surprenante fantaisie pour deux pianos. 





Dans toutes ces œuvres triomphent la poésie, le sentiment, le sarcasme, la verve, l’humour même : l’exercice de style est devenue œuvre de génie. Rachmaninov a par ailleurs écrit des variations méconnues sur des thèmes de Chopin (prélude n°20) et Corelli : la simplicité des mélodies originales contraste tellement avec le foisonnement, la richesse et l’inventivité dont fait preuve le grand Serguei. Fugues, arpèges, octaves martelées furieusement sur le clavier, tempêtes, clairs de lune et contemplation élégiaque, triomphe digne du finale de ses grands concertos, cette immense variété de climats et d'humeurs ruisselle depuis les quelques mesures initiales du thème, source intarissable grâce à l'inspiration du compositeur. Le sentimentalisme sans affectation, viril, tellement slave de Rachmaninov, donne ici toute sa mesure. Ce qui ne l’empêchait pas de sauter certaines de ses variations quand il entendait trop de toussotements dans le public de ses concerts ! Sacré Serguei.


Plus austères et structurées, les variations Goldberg de Bach, les Diabelli ou Eroica de Beethoven, montrent que dans une combinatoire inépuisable, il est possible de jouer avec un thème à l’infini, de dévoiler chacune de ses facettes, d’en tirer de l’or à la façon d’un alchimiste, jusqu’à se trouver sur les plus hauts plateaux où souffle le vent salvateur de l’Esprit ! 




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