dimanche 8 octobre 2017

Lanzarote



Claudio Arrau égrène dans mes mauvais écouteurs bluetooth quelques mesures des nocturnes de Chopin, et c'est ici dans mon lit à Javel, entouré de l'insignifiance de mon appartement de cadre moyen, que je me souviens de Lanzarote.

J'ai atterri à Fuerteventura, une ile pierreuse jalonnée de resorts all inclusive pour anglais obèses et de spots de kite surf. Je m'en suis enfui assez vite, et sur le ferry je vois se détacher la silhouette volcanique de Lanzarote : les maisons d'un blanc éclatant, la roche brune et ocre, et quelques rares palmiers. Je comprends pourquoi Houllebecq a situé ici sa "Possibilité d'une île" : le paysage, lunaire et dépouillé, a tout pour plaire au plus neurasthénique de nos écrivains. Les routes sont taillées au milieu de coulées de lave immenses, qui semblent à peine refroidies. Rien à voir pourtant avec Santorin et ses coupoles orthodoxes, son immense caldeira remplie par la mer Egee, dont l'éruption millénaire a causé l'extinction des Minoens, ses falaises abruptes où les villages semblent s'agripper face au vide.

Ici, le relief est plus doux. Je suis seul, elle n'est pas venue, je ne comprends pas encore qu'elle sera partie dans 6 mois, et que mes escapades solitaires ne sont que le prélude à une rupture. Sur la route du parc national de Timanfaya, j'écoute la B.O de Brazil, et sa musique rêveuse, dystopique. Le parc est envahi de touristes allemands vulgaires et agressifs, ce qui ne leur ressemble pas : je jette un oeil au cônes rougeatres des volcans endormis, et je passe mon chemin, au bord de la mer, pour observer les rouleaux de l'Atlantique se briser sur la côte nue. Comment ai je pu croire qu'elle resterait avec moi ?

De retour à l'hôtel, un beau complexe post moderne blanc et piscine turquoise qui surplombe une marina avec des maisons presques coloniales, je me pose en effet la question. Peut être que Houellebecq avait la réponse : à Lanzarote, il a préfiguré la création d'une secte transhumaniste qui clonerait à l'infini quelques humains triés sur le volet, et vivraient éternellement, par la sauvegarde de leur esprit à chacune de leurs morts. Chacun d'entre eux vivant dans une maison forteresse, dans un monde post-apocalyptique nucléaire, évidemment tout contact sexuel entre les heureux élus est exclu, à part via une vidéo conférence. J'ai ma copine au téléphone de temps en temps aussi. C'était une bonne idée d'aller à Lanzarote tout seul ?

Une des rares curiosités architecturales de l'île, c'est la maison de Cesar Manrique, peintre, sculpteur et architecte, qui a créé ici un mélange du palais bulle de Cardin en version underground, avec force bassins, canapés en skai kitsch et fontaines improbables. La maison de surface, plantée dans un champ de lave, rassemble des fresques à la Miro et beaucoup de peintures laides. Le plus beau, ce sont ses baies vitrées qui donnent sur les volcans, avec quelques Dragonniers des canaries, arbres préhistoriques et robustes, qui se détachent à l'horizon. Mais la nudité de cette île m'opresse un peu.

Le soleil de décembre ne tape pas trop. Ai-je bien utilisé mes RTT ? Au moins je sais maintenant ce que signifie l'expression "paysage minimaliste". Mon avion décolle d'Arrecife direction Gatwick puis CDG, Thomas Cook Airlines. L'île a l'air plus verte vue d'en haut. Passent les murailles d'Essaouira, si petites vues de mon hublot, et je me souviens qu'Orson Welles y a campé son Othello chypriote. Pas de raison de désespérer, il reste des Canaries - les Iles Fortunées - à explorer.

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