Je suis de retour !
Comme le dirait Alliance Ethnik, c'est un fat
comeback. En pleine forme olympienne, quelque
part entre l’apollinien et le dyonisiaque. J'ai trempé ma plume
dans du vitriol artisanal. Mes posts acidulés donneront aux procès
de Moscou un goût définitif de Michel Drucker.
Mon esprit caféiné sort
d'un entretien d'embauche américain : celui qui mène au RER C, pour
finir à rédiger des petites notes bien nettes, et à tenir un jour
des propos généralistes de machine à café. Suivez moi ! Les
entretiens, c'est toujours loin, dans des endroits pittoresques,
comme Bois Colombes, Les Ulis ou Saint Denis. L'interlope entre une
gare de triage, une voie rapide et un incinérateur. Là j'ai adoré
le chemin pour Rungis. Sur votre droite, la fascisante Maison
des Examens, traumatisme claustro des provinciaux recalés, feu
l'Arcueil d'Erik
Satie réaménagé en boulevard Lénine du deal. Au dessus de
vous, Pondorly, arche de béton autoroutière à la Tricatel,
refurbished en discothéque
à
kékés.
Sur votre gauche, bien sûr, le Marché
« d'Intérêt National » de Rungis, cette folie
logistique fatale au Ventre
de Paris, où s'expose tout président pour draguer la France qui
se lève tard, pour travailler tard. Baltard,
qu'avons nous fait ? C'est trop multimodal, Dutronc n'aurait pas
écrit « Paris
s'éveille » sur ce macadam ! En 68,
à la Villette, on tranchait encore le lard... ce n'était pas une
salle de concert pour snobs dodécaphoniques...
Rungis dégage son
étrange
poésie
grisâtre, entre parkings déserts et cartons déchirés, containers
vides, pylones rouges, fils électriques à boules pour radars
aériens. Orly
oblige. Tiens si j'étais aventureux j'irais me
perdre dans le Terminal Sud vintage et gaulliste - rencontre du
ciel et de la terre, Mon Général ! M'élancer vers Gibraltar,
dans un grand Airbus bleu de mer...
Dans les années 60,
cette architecture en verre, alu et béton « style
international » est la vitrine d'une France au top des 30
glorieuses. L' architecte d'Orly Sud, Henri Vicariot, est un spécialiste en
espaces conviviaux puisqu'il construira la gare RER intergalactique
de la Défense, 12 ans seulement avant la sortie de Blade
Runner (2). L'aérogare, avec ses « murs
rideaux » et ses grands espaces vides, c'est surtout le
« Playtime »
de Jacques Tati et son angoisse postmoderne, devant une architecture
futuriste monotone et froide, d'une absurdité labyrinthique qui
dissout le lien social.
Pourtant cette nouvelle
utopie était tellement à la page qu'on venait passer son « Dimanche
à
Orly »,
comme
le chantait Bécaud ;
"Je m'en vais le dimanche
à Orly
Sur l'aéroport on voit
s'envoler
Des avions pour tous les
pays
Tout l'après-midi... y'a
de quoi rêver.."
Sur la terrasse Sud, dans les odeurs de kérosène, les enfants admirent les Caravelles argentées et leurs pilotes à hôtesses rutilants sur le tarmac. Ces aristocrates du ciel s'exhibent dans leurs uniformes bien coupés, casquette blanche et galons dorés, une Lucky Strike au bec, avant de s'envoler pour les Colonies. En bout de piste, un DC-8 de la Pan Am squatté par le mytho Di Caprio de Catch Me If You Can, croise le dernier Iliouchine pour Leningrad. Les Mad Men de Don Draper ne sont pas loin (2) . Tante Yvonne en tailleur pastel attend au comptoir d'enregistrement ! Elle ne sait pas encore que son mari donnera le nom à un aéroport.
Mais Carlos a tiré au
lance roquettes sur un avion yougoslave en 75, et ce fut un coup
fatal pour ce tourisme touchant de naïveté. A cause de ces
trouble-fête
qui font exploser leurs Nike Air au dessus de l'Atlantique, on ne
peut plus voyager avec des cutters et des bouteilles de whisky... Je
regrette amèrement cette époque de liberté où on pouvait fumer un
cigare devant un bébé en classe éco, où le Saoudien trinquait
dans le cockpit avec le commandant... Quand avoir un turban
n'entraînait pas une séance de waterboarding
dans une salle de JFK. Seuls les flingues et le plutonium étaient
bannis des soutes : un véritable âge d'or.
Aujourd'hui, Orly est un
aéroport derelicte
dont la vétusté n'est dépassée que par l'improbable
Beauvais-Tillé, antichambre des avions low-cost Playskool. Il est
spécialisé dans les destinations
« soleil » : vous verrez moins d'attachés cases
et davantage de djellabas.
D'ailleurs pour me
remonter, j'aurais bien besoin d'un séjour à Rhodes ou à Louxor.
Pourtant tout ne va pas si mal : sur mon nouveau CV, en police
Helvetica
(celle du métro de NY), j'ai une photo de winner où je fais
très Mitt Romney sans le côté mormon. J'ai fêté dignement mes 30
ans, comme Kyan
Khojandi
dans
Bref,
et mes voisins insomniaques me haïssent ; les confettis dans
les lattes du parquet me rappelleront cette bacchanale au champagne
jusqu'aux calendes grecques. Sarko vient d'installer son QG de
stagiaires + barbouzes juste en bas de chez moi, mon voisin
lobotomisé joue du djembé moins fort, ma psy fait des blagues sur
la musique russe : Bref, je suis au top. Tu vois Kyan
- comme toi je suis sur le retour et je devrais arrêter les
blinis-Tarama, mais je ne suis ni iranien, ni chauve.
Comme toi, je
suis Rémois, et je te comprends. Je te consacrerai un jour un post.
Je t'aime, Kyan.
(1) Pour en savoir plus sur l'architecture super-cosmique soviétique je vous conseille ce très bon Taschen.
(2) Les séquences d'intro
de Catch
Me if you can & Mad
Men ont beaucoup en commun ! Elles sont d'une sophistication
tellement délicieuse! Symbole de leur réussite : leur parodie (1/2)
par les Simpsons, signe d'une belle reconnaissance pop. Cela rappelle
le générique
de fin du très réussi « Very
Bad Cops » - malgré les apparences du trailer- sur fond de
statistiques de la crise des subprimes. Mais c'est déjà le sujet
d'un post...)
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