Sous le soleil timide de
décembre, j'arpente avec ma mère les ruelles étroites de Ravello.
Ce village perché au dessus des vallées d'orangers et de
citronniers, surplombant Mare Nostrum, est sans aucun doute la perle
de la côte Amalfitaine. Dans les superbes jardins de la villa
Rufolo, qui auraient inspiré à Wagner les jardins de Klingsor de
son Parsifal, je m'égare au milieu des roses et des lauriers, des
bosquets soigneusement taillés. Entre deux coupoles d'une église et
un pin parasol, le bleu profond de la mer, et le ciel à l'infini.
La côte amalfitaine est
un des plus beaux endroits au monde, certainement, mais un des pires
enfers pour les automobilistes. Les routes sont affreusement
sinueuses, les conducteurs nerveux ; le simple passage d'un bus
peut virer à la partie de Tetris en version routière, le vide de la
corniche en bonus. Mais ces trajets récompensent le touriste
téméraire. D'immenses montagnes tombent dans la mer, et quelques
villages aux maisons bariolées tentent de s'y accrocher. Amalfi, la
fière république maritime qui n'est plus que l'ombre de sa gloire
passée, exhibe fièrement sa cathédrale aux réminiscences
byzantines. Positano est un kaleidoscope de couleurs : demeures
jaunes, rouges, orangées sur les flancs hostiles de la montagne si
escarpée.
La veille, j'ai découvert
des maisons romaines mystérieuses, entièrement ensevelies et
retrouvées telles quelles avec leurs colonnades, leurs mosaïques et
salons d'apparat, leurs bassins et leurs thermes. Je me dis que les
patriciens devaient se la couler douce à Stabies. A Herculaneum,
c'est différent, une petite ville de pêcheurs avec quelques maisons
bourgeoises, excavée en plein cœur d'une banlieue napolitaine ;
un trou de 30 mètres de profondeur qui révèle les secrets de la
petite cité piégée par le Vésuve en 79. Demeures patriciennes,
auberges, autels et basiliques, fontaines et latrines, je suis
transporté dans l'empire romain, et je compatis devant les centaines
de squelettes des malheureux qui ont tenté d'échapper aux nuées
ardentes en se cachant dans des hangars. Pour remonter le temps, il
suffit de descendre quelques marches.
Je reviendrai à Naples
car sa baie me fascine ; la prochaine fois, j'irai à la
rencontre de ses îles, Procida et Ischia, et je m'étendrai sous la
lumière dorée du Sud qui permet d'oublier tous les tourments.