« Mon piano est pour moi ce qu'est la frégate pour le marin, le cheval pour l'Arabe - plus encore! Ce fut jusqu'ici mon moi, mon langage, ma vie ».
Au-delà des évènements
inutiles qui ponctuent notre année (Fête des mères, mort de
dictateurs, Téléthon, discours de Nicolas Sarkozy), je vous propose
de retenir un des seuls qui vaille la peine d’écrire quelques
lignes : 2011, pour dix jours encore, est l’année Franz Liszt. S’il était encore vivant, il aurait 200 ans ! Et il
nous manque tellement ! Si vous n’êtes pas d’accord,
écoutez ceci.
La
vie
de
Liszt
est
un
roman : c’est
le titre d’une de ses biographies. Comment résumer en quelques
lignes une personnalité extravertie et généreuse, d'un
pianiste virtuose, transcripteur de génie, compositeur iconoclaste,
dragueur, poète, rockstar, abbé !

Tous les Werther vous le diront : les amours adolescentes
laissent des
blessures
indélébiles.
Mais Liszt sera toujours entouré de femmes, et l’amour est un
thème majeur de son œuvre. Il est resté célèbre pour avoir enlevé sa maîtresse Marie d'Agoult à son vieux mari, pour s'enfuir en Suisse et en Italie! Martha Argerich considère que Liszt
comme « Eros en personne », Nietzsche, plus sévère,
parle de son style, « pour plaire aux femmes » :
quand la verve, l’audace, l’habileté triomphent sur le clavier,
la musique prend les chemins détournés de la séduction. Parfois,
c’est dans un mode onirique, comme dans ce nocturne, le
Rêve
d’amour
N°3, tellement
sentimental, comme si des chérubins volaient sur le clavier !
Ou la spectaculaire
étude
« Un
sospiro »,
séraphique, aérienne. Ces caresses voluptueuses… Cela rappelle un
peu cette Etude-Tableau
de Rachmaninov aussi suave que redoutable pour le pianiste.

Liszt (joué par Sviatoslav Richter) rencontre Glinka à St Petersbourg - Regardez à partir de 2 mn
Mais la performance de
l’interprète n’est pas une fin en soi. Compositeur à plein
temps dès 1848, Liszt va pousser le piano dans ses derniers
retranchements, transcender la technique pianistique pour la mettre
au service de ses idées musicales : il va donner au piano une
voix universelle, une puissance d’orchestre. Il va inventer un
langage musical sans lequel Grieg, Ravel, Rachmaninov et Prokofiev
n’auraient pas existé.
Ce talent pour la
transcription et l’improvisation, Liszt l’a utilisé pour exalter
ses origines nationales dans les Rhapsodies Hongroises. Ces thèmes
traditionnels hongrois et bohémiens, Liszt les a cousus ensemble
pour donner des pièces éloquentes, tour à tour sautillantes et
graves, très mélodieuses, comme la célèbre Rhapsodie
n°2,( qui donna
lieu à un incroyable
duel
au
piano
entre
Donald
et
Daffy
Duck !), la
6ème,
9ème
et la
15ème,
« Marche de Rakoczy » brillamment
orchestrée
par
ailleurs
par
Berlioz (vous vous
souvenez de la
Grande
Vadrouille ?
Quand la pop culture s’en empare, c’est souvent bon signe. On ne
peut pas être snob toute la journée.)
A Weimar dans les années
1850, Liszt va inventer « la musique de l’avenir », ce
qui lui vaudra beaucoup d’admirateurs, et des rivaux perfides !
Ses deux concertos pour piano (1,Argerich,
2,
Richter) sont tour à tour impétueux, triomphaux, dionysiaques…
Les thèmes s’enchaînent de manière cyclique, et les innovations
sont nombreuses, comme l’usage du triangle par exemple ! En
dehors du piano, Liszt va surtout innover en dépassant la symphonie
classique alors divisée en 3 ou 4 parties avec différents tempi. Le
poème
symphonique est
une nouvelle forme orchestrale, d’un seul tenant, qui décrit un
univers issu d’une œuvre littéraire ou d’un fait historique.
Par exemple, Mazeppa le
pauvre
homme attaché à
un cheval au galop pour avoir trop câliné une jeune noble
polonaise, avant de devenir le grand chef des cosaques (poème
d’Hugo
(les Orientales) après avoir lu Byron).
Ou, évidemment, « Les
Préludes »
(Gergiev), d’à peu près Lamartine ? Ses procédés
d'orchestration très complexes, qui exaltent toutes les couleurs des
instruments, seront abondamment repris
par
Wagner, qui
épousera d’ailleurs la fille de Liszt, Cosima.
Liszt en est mort : alors qu’il était malade, sa fille qui
avait un sale caractère (elle avait déjà brisé le cœur du
pianiste Hans
von
Bulöw), lui a
demandé de venir à Bayreuth pour les Festspiele de 1886. C'était le voyage de trop : il est encore enterré sur place, et ses groupies doivent faire le voyage.
Excellent, tu as gagné un tweet
RépondreSupprimerAh ah Merci Msnl j'aime quand tu sais reconnaître l'excellence
RépondreSupprimerFinalement, DSK me parait bien fade à côté de ce bon vieux Franz
RépondreSupprimerPersonne n'a jamais autant chopé (à part Mitterrand, Garcimore et Rocco)
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